Débats et réflexions

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dimanche, avril 15, 2007

Vote utile, vote débile

A l’aune du 22 avril 2007, c’est un peu le souvenir du 21 avril qui se rappelle aux Français. Un « séisme » qu’il faudrait conjurer à tout prix. Même à celui de vendre sa voix. Car telle est la conséquence du concept qui a point dans les médias après la présidentielle de 2002 : le vote utile.

Qui subit un séisme construit une maison plus solide. 60 millions de Français (pour environ 42 millions d’électeurs) ayant subi ce qui est maintenant courant d’appeler le « séisme » du 21 avril 2002, doivent-ils tous se bâtir un chez-soi plus solide ? A priori, ou plutôt sans réflexion, oui. En creusant ne serait-ce qu’un tout petit peu la question, évidemment non.

D’abord parce que les responsables de ce « séisme » sont d’abord les Français eux-mêmes, plus précisément 5 millions d’entre eux. Mais surtout parce que le séisme dont on parle n’a détruit aucune maison, aucune route, aucune infrastructure. Comment tel miracle est-il possible ? La raison est simple (mais oubliée pour les rêveurs, ignorée par les cyniques) : la France est une démocratie.

Dans une démocratie, même ceux qui choquent, qui courroucent, qui irritent, peuvent (et doivent) accéder aux fonctions pour lesquelles ils concourent. Ce ne fut pas le cas de Jean-Marie le Pen, largement battu au lendemain du « séisme » de 2002. Mais il accéda logiquement, normalement et justement au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

Le qualificatif de « séisme » peut avoir certains fondements, tel que l’arrivée au second tour d’un dirigeant d’extrême droite (fait inédit dans la Vème République) et l’éviction du PS au même second tour (inédit également). Mais la conséquence qui en a été tirée, le vote utile, est, elle, parfaitement inepte.

"Je ne vote pas pour qui j’ai choisi, mais pour celui que la supposé majorité a désigné comme bouclier anti-candidat non conforme"

Voter pour celui (ou celle) qui est le plus apte, d’après la conscience populaire (et les sondages), à accéder au second tour afin de barrer l’accès à un ou plusieurs candidats non conformes est une absurdité totale. Absurdité totale parce que cela revient à « vendre » sa voix. Je ne vote pas pour qui j’ai choisi, mais pour celui que les autres, la supposé majorité, ont désigné comme d’abord candidat conforme, ensuite comme potentiellement éligible, enfin comme bouclier anti-candidat non conforme.

Et c’est là, dans cette dernière raison de « voter utile », qu’est la plus grande insanité. Barrer la route aux candidats extrêmes au détriment de la sincérité du vote est gravissime. La France a propulsé Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002 ? C’est qu’elle l’a voulu. La France a voté à 16.86% pour Le Pen en 2002 ? C’est que tel était son choix. Ce résultat est la représentation, la vraie, la sincère, de la France en 2002. Peut-être est-ce difficilement acceptable, honteux de l’assumer, mais ce n’est rien d’autre que le résultat d’une élection démocratique où chacun s’est exprimé librement et secrètement, donc sincèrement.

« Voter utile » revient donc à détruire ce qui fait la démocratie : la pluralité. Barrer la route à certains candidats, ce en votant parfois pour celui que l’on a pas choisi, c’est souiller notre démocratie. C’est donner sa voix, pourtant si précieuse, en échange d’une simple éviction (non garantie). C’est donc détruire son pouvoir. C’est détruire à petit feu la démocratie. Car si on prolonge ce schéma, voter pour celui qui va (soi-disant) gagner, il n’en restera plus qu’un. Et il ne sera plus la peine de voter. Pour sûr, vote utile, vote débile.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Le fait est malheureusement que ce genre de discours a tendance a s'ancrer dans les strategies politiques par cynisme ; ces envolees de plus en plus nombreuses sur le "vote utile" pour barrer la route aux extremes est symptomatique du peu d'illusions des deux "gros" sur leur capacite a convaincre par eux-memes, avec leur personnalite et leur projet. Comme s'ils reconnaissaient implicitement qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres raisons de voter pour eux que de faire barrage a des candidats excentriques ou extremistes.

Il est d'ailleurs interessant qu'ils trouvent meme le moyen d'agiter la menace de l'extremisme pout tenter de discrediter Bayrou; ils disent en gros "si vous votez pour lui, sa grande coalition se plantera parce qu'elle est impossible a reunir, et ce sera la porte ouverte aux extremes". Et oui meme pour un centriste, ils arrivent a nous degoter la menace des extremes! fort, hein... Auraient-ils oublie que c'est precisement sous le magistere de leurs partis respectifs que les extremes n'ont cesse de gagner du terrain?

Le prochain coup, Le Pen ne sera plus la a agiter comme epouvantail, et c'est peut-etre la que les emmerdes serieuses commenceront pour eux....si elles ne commencent pas des cette annee avec Bayrou:-)

10:05 AM  
Blogger ben said...

La menace Bayrou, c'est "l'extrême centre", donc l'estrême sera déjà là d'une certaine manière... :)

C'est un point de vue que je n'avais pas... vu. Je ne pense pas que ce soit tant les reponsables politiques qui insistent sur le vote utile, car, comme tu le soulignes, cela accréditerai que voter pour eux n'est qu'un contre choix. Difficile à avouer...

Je pense que c'est plutôt les médias qui sont en partie responsables, tant on a entendu parler de ce vote utile qui conduira inévitablement à Ségo/Sarko au second tour.

J'éspère une grande surprise, afin que les médias tirent des leçons, et que, choix personnel, la gauche en tire tout autant. Mais c'est là un autre sujet...

10:23 AM  

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