Débats et réflexions

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jeudi, mai 28, 2009

FN et médias : un théâtre fort populaire

C’est un jeu à deux. Comme une valse. Ou une ballade amoureuse. Le Front National et certains médias flirtent comme deux adolescents et font semblant de se haïr comme un vieux couple. En réalité, c’est bien un jeu à deux qui se joue entre ceux-là. Un jeu pernicieux, discret, dont personne n’édicte les règles, qui pourtant existent : je t’aime, moi non plus. Mais ne le dites à personne, tout le monde doit savoir, personne ne doit comprendre.

Une représentation théâtrale parfaite…

A priori adversaires, les médias et le FN sont en réalité copains comme cochons. Adversaires supposés puisque le FN est LE parti à honnir et bannir, et puisque les médias se doivent d’être les garants de la démocratie… et d’une certaine pensée. Il s’avère que le jeu est plus subtil. Un jeu gagnant/gagnant. Une pièce de théâtre extrêmement bien huilée se déroule sous nos yeux entre le FN et une partie des médias. De quoi s’agit-il ? Je t’aime, moi non plus, bien sûr ! C’est l’histoire d’un amour impossible, mais pourtant réel et effectif.

Un amour où chacun y trouve son compte. Les médias, prompts à courir après l’audimat (ce qui n’est pas un mal en soi), cherchent, ou plutôt provoquent, les déclarations au vitriol de Le Pen et consorts. Les questions des journalistes sont très souvent clairement orientées pour que le FN réponde exactement ce que le public attend de lui : des propos détestables. Ce type de discours ou de sorties, comme les déclarations sur les chambres à gaz allemandes, est une mine d’or pour des médias, alors effarés… en public.

En privé, bien sûr, c’est la course au trésor. La mécanique est simple : détester Le Pen sur les plateaux de télévisions, l’adorer en salle de rédaction. Ainsi, deux précieux objectifs sont atteints : se fondre dans le politiquement correct, voire le politiquement obligé, et réaliser parallèlement un bon score d’audimat. En un mot, éviter de salir les mains aux yeux du public, tout en le satisfaisant en jetant en pâture au public un FN qui ne demande que ça...

... dans quel but ?

Mais au fait, tout ça pour quoi ? Pour aller où ? Pour construire quoi ? Ce type de théâtre est inutile à la politique et à la société. Inutile politiquement car, a priori, le FN n’arrivera jamais au pouvoir… parce que lui-même ne le veut pas. La posture d’opposant systématique est bien trop confortable. On se situe donc, encore et toujours, dans le théâtre : je (médias) fais semblant de te craindre et tu (FN) fais semblant d’être un martyr. La belle et la bête, revisitée… pour les adultes.

Inutile également pour la société. Inutile car c’est en dressant des épouvantails pareils qu’on s’arrête de penser. Il est en effet d’une affreuse banalité que de dire que la peur gèle la pensée. C’est historique… et actuel. Or, pour quelle raison les Lumières se sont-elles battues, si ce n’est pour penser par nous-mêmes ? Si ce n’est pour s’affranchir d’une pensée unique et obligée ? Tout le monde l’a déjà vécu : entendre quelqu’un affirmer haut et fort qu’il est pro-FN dans un dîner, une fête, un camping ou que sais-je, c’est constater un ostracisme direct et définitif. En général, c’est le but de ce genre de discours, volontairement provocateur. Mais c’est aussi le but du public, volontiers politiquement correct. Un pur jeu d’acteurs, donc. Et un certain retour, voire un retour certain à la pensée unique.

Où va-t-on, en prenant ce chemin ? Très simplement, vers une « démocratie » politiquement correcte. En d’autres mots, on pourrait dire une démocratie intellectuellement inexistante. Pour un système qui se pare d’être le régime héritier des Lumières, Voltaire, Montesquieu, Diderot et tous les autres doivent faire les montagnes russes dans leurs tombes.

Comment renverser la vapeur ?

Rêvons d’un monde idéal. Un monde dans lequel les médias ne se contenteraient plus d’inviter Le Pen quand celui-ci fait une sortie tonitruante pour le sortir de son isolement médiatique. Un monde dans lequel les médias l’inviteraient à débattre avec les autres politiques, régulièrement, et lui poseraient des questions sur l’environnement, les finances, la santé publique, etc. En un mot, un monde dans lequel les déguisements seraient rangés définitivement au placard : les cornes de diable pour le FN et les ailes d’ange pour les médias.

Que se passerait-il alors ? Deux possibilités : soit la vacuité du programme du FN serait mise en avant et seuls quelques irréductibles voteraient encore pour lui. Soit le FN se muerait en parti de pouvoir, donc raisonnable, et construirait un vrai programme de gouvernement. Quoi qu’il en soit, la dédiabolisation du parti aux yeux du public qui s’ensuivrait n’érigerait plus le FN en martyr, donc en parti séduisant.

Ainsi, les électeurs du FN ne se sentiraient plus exclus par une pensée unique aussi stupide que dangereuse. Ils devraient alors logiquement choisir : si le FN deviendrait un parti de gouvernement possible, ils devraient alors se ranger et accepter que le FN n’est plus. Si le FN resterait lui-même, ils devraient alors accepter d’être exclus du jeu politique… tout en n’engrangeant plus les anciens dividendes de la posture de martyr.

Là aussi, un jeu gagnant/gagnant, donc, puisque le FN sera soit intégré dans le jeu parlementaire et pourra oeuvrer pour la Nation, soit exclu mais sans posture de martyr, donc sans dividendes. Un scénario à une seule issue : la "normalisation politique" du FN, car à quoi bon tenir un parti exclu mais sans bénéfices de cette exclusion ? Mais pour cela, il faudra que le théâtre ferme définitivement ses portes. Et aujourd'hui, les portes sont grandes ouvertes, et le public afflue.

2 Comments:

Anonymous Gillou said...

C'est rigolo, en te lisant j'ai l'impression de basculer dans un autre temps, à l'époque pré-2002 où le FN était encore un épouvantail puissant, gagnant régulièrement du terrain malgré les mises en garde paniquées des "partis de gouvernement", et dont le landerneau politico-médiatique que j'évoquais par rapport à ton article précédent se demandait que faire en se triturant les mimines. Si on était encore en ce temps là, ton article aurait fait écho à une problématique réelle. Mais aujourd'hui? Bof...le FN n'est plus qu'un parti ruiné contraint à délaisser la chic banlieue sud-ouest pour des contrées sauvageonnes abhorrées, à la portée électorale désormais un peu supérieure à celle de l'extrême gauche, et surtout le plus important: pesant exclusivement sur les épaules de son chef historique qui sucre les fraises, mais qui continue ses tours de piste jusqu'à plus soif car il ne sait rien faire d'autre et que la nature à horreur du vide.

D'ailleurs, une fois Le Pen parti ou canné, qu'est-ce qui restera de l'intérêt médiatique du FN, dont il a effectivement érigé la provocation en seule stratégie de communication, reposant entièrement sur ses talents d'orateur et son goût pour le jeu de mots douteux? Rien. Aucun de ses probables successeurs (Marine, Gollnisch) ne possède cette capacité à faire se lever les foules dans un sens ou dans l'autre. La normalisation politique se fera peut-être, mais elle ne signifiera pas l'entrée du FN dans le jeu politique classique, elle marquera sa fin. Le Front National n'a en effet aucune autre vocation que d'être un parti extrême, pas davantage destiné à gouverner que la LCR. Le peu d'espace dont il aurait pu bénéficier pour une normalisation a été complètement bouffé par Sarkozy (ben oui, si ce dernier a réussi à convaincre autant d'électeurs du FN, c'est pas en leur disant que c'était pas bien de voter Le Pen, mais en annexant ses idées les plus présentables). Il n'a en conséquence aujourd'hui aucune marge de manoeuvre dans ce sens, et est condamné à se cantonner dans son rôle de groupuscule ou à disparaître. Même le Grand Chambellan n'y peut plus rien; il est aujourd'hui à poil, a fait le combat de trop depuis longtemps mais continue quand même à avancer comme ces oies à qui on a coupé la tête, car s'arrêter lui mettrait les deux pieds dans la tombe. Ce n'est plus une affaire politique, c'est juste un drame humain. Conclusion: cet article est pour moi un anachronisme.

Par contre, je suis au regret de t'informer que tu te fourres le doigt dans l'oeil en pensant qu'il suffirait de mettre à nu le programme du FN pour le décrédibiliser aux yeux de l'opinion en lui faisant admettre de manière irréfutable son absence de politique. Une politique économique consistant à sortir de l'Europe et de l'UE par exemple, c'est peut-être absurde, mais ca reste une politique. Et mettre en évidence le fait qu'elle conduirait droit dans le mur est une affaire complexe, tandis que détailler ses avantages théoriques à coups de logorrhées efficaces sur l'indépendance nationale et le "maître chez nous" est un jeu d'enfant...et que la mayonnaise prend dans une partie minoritaire mais non négligeable de la population. Si l'audience du FN s'est aussi considérablement effritée aujourd'hui, c'est bien plus un problème de personnalité qu'un problème de programme. Gardons-nous de prendre nos désirs pour des réalités....

7:02 PM  
Anonymous Gillou said...

Petite correction: "...consistant à sortir de l'Euro et de l'UE" et non pas "de l'Europe et de l'UE" ce qui sonne comme une très légère redondance...

7:06 PM  

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