Débats et réflexions

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lundi, avril 23, 2007

2007 : Deux vainqueurs, quatre finalistes

Bayrou n'y sera pas. Et pourtant, il peut être fier. Il a triplé son score par rapport à 2002. Et surtout, il a imposé un vrai centre. Libre, non inféodé à un quelconque parti. Le candidat a assuré que la politique ne sera plus jamais la même. On laissera le temps (et les résultats des législatives) répondre.

A côté de cette incertitude, il y a en des certitudes qui s'imposent après ce premier tour. La campagne a été critiquée, attaquée, condamnée. Et pourtant. 85% des électeurs ont voté. Ce n'est pas un sursaut civique, c'est une vraie prise en main citoyenne. Presque 15 points de plus en terme d'électeurs comparé à 2002, c'est la vraie bonne surprise de 2007. Avant les deux finalistes, c’est la démocratie qui sort redoré de cette élection. Rappelons que dimanche, il faisait beau…

Autre certitude : l’espoir renouvelé. Il y eu les troubles de la gare du Nord, les meurtres, les enlèvements, les tombes profanées juste avant le 22 avril ? Et pourtant. Le Pen, candidat qui profite théoriquement, et surtout historiquement, de ces violences, a chuté de 6 points. C’est la deuxième grosse surprise de 2007. Ce n’est pas un doute dans le vote Le Pen, c’est une vraie désaffection.

"Quel que soit le résultat du 6 mai, ces deux vainqueurs sont immuables: la démocratie et l’espoir"

Car Le Pen a gardé sensiblement le même nombre de voix qu’en 2002 : environ 4 millions et demi. Mais la fracture est ici : même score pour plus d’électeurs : 1.8 millions en plus par rapport à 2002. En un mot, Le Pen a stagné en nombre, mais en proportion, il a chuté. Conséquence de ses nouveaux électeurs d’abord, mais aussi des Français « anciens » électeurs qui se sont bougés dimanche 22 avril 2007, alors qu’ils étaient restés chez eux le 21 avril 2002.

Cette présidentielle arbore donc un second tour avec deux finalistes, mais quatre vainqueurs. Royal et Sarkozy concourent pour l’Elysée, ce sont les deux finalistes et deux des quatre vainqueurs. Les deux autres ? Par son taux de participation historiquement élevé, l’élection 2007 a consacré la démocratie. Par le dépeçage de Le Pen, cette élection consolidé l’espoir. Quel que soit le résultat du 6 mai, ces deux vainqueurs sont immuables : la démocratie et l’espoir.

dimanche, avril 15, 2007

Vote utile, vote débile

A l’aune du 22 avril 2007, c’est un peu le souvenir du 21 avril qui se rappelle aux Français. Un « séisme » qu’il faudrait conjurer à tout prix. Même à celui de vendre sa voix. Car telle est la conséquence du concept qui a point dans les médias après la présidentielle de 2002 : le vote utile.

Qui subit un séisme construit une maison plus solide. 60 millions de Français (pour environ 42 millions d’électeurs) ayant subi ce qui est maintenant courant d’appeler le « séisme » du 21 avril 2002, doivent-ils tous se bâtir un chez-soi plus solide ? A priori, ou plutôt sans réflexion, oui. En creusant ne serait-ce qu’un tout petit peu la question, évidemment non.

D’abord parce que les responsables de ce « séisme » sont d’abord les Français eux-mêmes, plus précisément 5 millions d’entre eux. Mais surtout parce que le séisme dont on parle n’a détruit aucune maison, aucune route, aucune infrastructure. Comment tel miracle est-il possible ? La raison est simple (mais oubliée pour les rêveurs, ignorée par les cyniques) : la France est une démocratie.

Dans une démocratie, même ceux qui choquent, qui courroucent, qui irritent, peuvent (et doivent) accéder aux fonctions pour lesquelles ils concourent. Ce ne fut pas le cas de Jean-Marie le Pen, largement battu au lendemain du « séisme » de 2002. Mais il accéda logiquement, normalement et justement au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

Le qualificatif de « séisme » peut avoir certains fondements, tel que l’arrivée au second tour d’un dirigeant d’extrême droite (fait inédit dans la Vème République) et l’éviction du PS au même second tour (inédit également). Mais la conséquence qui en a été tirée, le vote utile, est, elle, parfaitement inepte.

"Je ne vote pas pour qui j’ai choisi, mais pour celui que la supposé majorité a désigné comme bouclier anti-candidat non conforme"

Voter pour celui (ou celle) qui est le plus apte, d’après la conscience populaire (et les sondages), à accéder au second tour afin de barrer l’accès à un ou plusieurs candidats non conformes est une absurdité totale. Absurdité totale parce que cela revient à « vendre » sa voix. Je ne vote pas pour qui j’ai choisi, mais pour celui que les autres, la supposé majorité, ont désigné comme d’abord candidat conforme, ensuite comme potentiellement éligible, enfin comme bouclier anti-candidat non conforme.

Et c’est là, dans cette dernière raison de « voter utile », qu’est la plus grande insanité. Barrer la route aux candidats extrêmes au détriment de la sincérité du vote est gravissime. La France a propulsé Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002 ? C’est qu’elle l’a voulu. La France a voté à 16.86% pour Le Pen en 2002 ? C’est que tel était son choix. Ce résultat est la représentation, la vraie, la sincère, de la France en 2002. Peut-être est-ce difficilement acceptable, honteux de l’assumer, mais ce n’est rien d’autre que le résultat d’une élection démocratique où chacun s’est exprimé librement et secrètement, donc sincèrement.

« Voter utile » revient donc à détruire ce qui fait la démocratie : la pluralité. Barrer la route à certains candidats, ce en votant parfois pour celui que l’on a pas choisi, c’est souiller notre démocratie. C’est donner sa voix, pourtant si précieuse, en échange d’une simple éviction (non garantie). C’est donc détruire son pouvoir. C’est détruire à petit feu la démocratie. Car si on prolonge ce schéma, voter pour celui qui va (soi-disant) gagner, il n’en restera plus qu’un. Et il ne sera plus la peine de voter. Pour sûr, vote utile, vote débile.