Ces petits préjugés qui font de grands dégâts
"Les préjugés sont le fléau de ce monde" m’a-t-on dit un jour. Exact. Les préjugés sont un édifice dont tous, involontairement connivents, participent en y ajoutant leur pierre personnelle. Tout le monde prend donc part à cette malheureuse œuvre et parallèlement tout le monde en souffre. Pour en juger sans préjuger, petit tour des préjugés les plus courants et les plus absurdes. Mais, du fait de leur usage incessant, dont nous sommes tous intimement convaincus. Et puisqu'on soigne le mal par le mal, s'ensuit des réponses totalement absurdes. Peut-être autant que nos préjugés ?
Problème : les arabes et les noirs sont responsables des maux de nos banlieues, de la violence qui gangrène le pays et du pillage de la France via les aides généreuses.
Résolution du problème : faire de la discrimination positive dans les championnat de haut niveau de boxe. Ainsi, nos violents immigrés (et voleurs), écoeurés et des pugilats à répétition, harassés par l’effort intense, se coucheront sagement très tôt ce qui empêchera toute autre forme de violence (car la violence se manifeste exclusivement la nuit). Le second problème de pillage de la France via les aides sera tout aussi bien résolu : compte tenu du fait que la boxe ne contribue pas à la bonne santé du cerveau (perte de neurones à chaque coup porté à la tête), nos maîtres boxeurs n’arriveront même plus au rang d’apprentis voleurs des Assedic (ou autre sécu etc.). En effet, la complexité des formulaires français les éloignera définitivement de toute tentative (périlleuse pour la viabilité de leurs cervelles) d’escroquerie.
Problème : la mondialisation économique est coupable de la pauvreté dans le monde, et en France.
Résolution du problème : stopper cette mondialisation diabolique n'est pas envisageable. Pour deux raisons : c'est d'abord impossible car sans elle qui prendrait le rôle de bouc émissaire ? Et c'est ensuite peu raisonnable car comment ferions-nous alors pour profiter des vraies fausses chemises Armani à prix infimes ? Non la solution, la bonne, la réfléchie, la voilà : juguler la mondialisation EN AFRIQUE seulement ! Tout le monde est d'accord : c'est ce continent qui souffre le plus de la mondialisation. Alors une Afrique autarcique requinquerait le monde économique. Le calcul est fort simple : le continent africain étant rayé de la mondialisation, les statistiques de pauvreté aussi ! On verra donc mécaniquement la misère - en chiffre, mais n'est-ce pas tout ce qui compte ? - baissée fortement. Et puis à l'avenir, si un autre continent ou pays pose problème aux statistiques du taux d'indigence mondial, même traitement. La mondialisation entre riches, ça règle tout problème. Au risque de se retrouver en petit comité opulent, mais avec d'excellentes statistiques de pauvreté. Mission accomplie.
Problème : Tous les footballeurs sont des imbéciles notoires.
Résolution du problème : Encore une fois, ne cédons pas à la facilité. Incorporer des tests intellectuels aux tests footballistiques n’est pas envisageable. Le football doit rester un jeu. Or un jeu, ça doit être stupide, sinon ça n’amuse pas. A tout le moins, pas la grande majorité. Et puis dans ce cas, les "meilleures" équipes seront celles qui réuniront le plus d’éclairés. Insensé ! Si la réflexion nous anime, à chaque problème, (ici certes anodin mais bien inconfortable : faut-il que la France, et les autres équipes nationales, soient représentées par la crème de la stupidité nationale ?) le remède est simple. Platini (lui-même) affirmait que le hors-jeu était la règle qui faisait du foot un jeu intelligent. Des imbéciles notoires au sein d’un jeu intelligent donc ? On comprend la gêne dans les esprits. Puisqu’on ne peut rendre plus intelligents, non, moins arriérés, les footballeurs, supprimons ce décor qui rend leur inanité intellectuelle criante. Comment ? Supprimons le hors-jeu ! Le football deviendra alors un jeu débile, et des débiles participant à un jeu débile, c’est un caméléon qui cache sa misère intellectuelle en se fondant dans la débilité ambiante. Certes, l’imbécillité sera toujours là, mais elle aura perdu son caractère notoire. Et à l’heure où chaque match est disséquer sous des centaines d’angles via autant de caméras, le visible (et l’invisible), c’est bien tout ce qui compte. Il suffisait d’y penser.
Problème : à Brest, il pleut tout le temps.
Résolution du problème : A dire vrai, le problème n’est pas tant le fait de pluie en elle-même, mais le corollaire de ce contre… temps : le moral, lui aussi, au gris… Que faire donc face à ce nouveau désagrément ? La cure de prozac ? Bonne idée mais impossible à réaliser, car la France met tout en œuvre pour éviter la mue en cour de la sécurité sociale en danger social : elle combat le déficit "abyssale" de celle-ci... Le prozac, pour ceux qui n’habitent pas Brest, c’est cher, et à n’en pas douter ; le brestois préférera son auge remplie au prozac (non remboursé)… Non, voilà une bonne piste : utiliser un des innombrables satellites qui nous surveillent depuis là-haut, là où personne ne vous entend crier, pour, via un savant jeu de miroir imaginé par nos pointures nationales, rediriger la lumière et chaleur solaires vers la région grise... Mais pour que cela soit réalisable, il faudrait modifier la révolution de la Terre. Ce avec un mécanisme spatial ultra puissant qui pourrait bloquer ladite révolution pendant que le satellite et le soleil sont en adéquation pour projeter la lumière sur Brest... Comment n’importe quoi ?
Oui, tout ceci est du n'importe quoi. Du délire. De la stupidité... réfléchie. De la bêtise pure pour répondre à la bêtise collective. Celle qui rampe, doucement mais sûrement. Celle qui s'installe dans les esprits. Celle qui prend racine dans les méandres du cerveau. Celle qui s'impose. Celle qui peut parfois égaler des certitudes comme 2 et 2 font 4. Celle qui est donc éminemment dangereuse pour ceux de qui elle émane... Les hommes.
Si la célèbre maxime, attribuée sûrement fallacieusement à Einstein ; "seules deux choses n'ont pas de limites : l'univers et la connerie. Mais pour l'univers, ce n'est pas sûr." établit formidablement bien le diagnostic des préjugés, elle n'en donne pas le remède. Heureusement, pas besoin d'être un génie pour le mettre à jour. Le remède, pour gagner la bataille de tous les jours contre les préjugés, est simple, à la portée de tous, pacifique, écologique même : penser.
A la mémoire d'Ilan Halimi, juif Français, enlevé et torturé pendant 24 jours, pour être enfin assassiné, parce que, dans la tête des ravisseurs, "un juif, c’est riche". Mais aussi, et également, à la mémoire des innombrables victimes de ces petits préjugés qui font de grands dégâts.