Débats et réflexions

Bienvenue. Les articles de ce blog sont classés en deux catégories : une première traitant directement l'actualité (débat) et une deuxième concernant les articles traitant de sujets plus intemporels (réflexion). Le but étant de vous faire réagir, n'hésitez pas à mettre un commentaire sur les articles qui vous intéressent.

dimanche, décembre 31, 2006

Ces petits préjugés qui font de grands dégâts

"Les préjugés sont le fléau de ce monde" m’a-t-on dit un jour. Exact. Les préjugés sont un édifice dont tous, involontairement connivents, participent en y ajoutant leur pierre personnelle. Tout le monde prend donc part à cette malheureuse œuvre et parallèlement tout le monde en souffre. Pour en juger sans préjuger, petit tour des préjugés les plus courants et les plus absurdes. Mais, du fait de leur usage incessant, dont nous sommes tous intimement convaincus. Et puisqu'on soigne le mal par le mal, s'ensuit des réponses totalement absurdes. Peut-être autant que nos préjugés ?

Problème : les arabes et les noirs sont responsables des maux de nos banlieues, de la violence qui gangrène le pays et du pillage de la France via les aides généreuses.

Résolution du problème : faire de la discrimination positive dans les championnat de haut niveau de boxe. Ainsi, nos violents immigrés (et voleurs), écoeurés et des pugilats à répétition, harassés par l’effort intense, se coucheront sagement très tôt ce qui empêchera toute autre forme de violence (car la violence se manifeste exclusivement la nuit). Le second problème de pillage de la France via les aides sera tout aussi bien résolu : compte tenu du fait que la boxe ne contribue pas à la bonne santé du cerveau (perte de neurones à chaque coup porté à la tête), nos maîtres boxeurs n’arriveront même plus au rang d’apprentis voleurs des Assedic (ou autre sécu etc.). En effet, la complexité des formulaires français les éloignera définitivement de toute tentative (périlleuse pour la viabilité de leurs cervelles) d’escroquerie.

Problème : la mondialisation économique est coupable de la pauvreté dans le monde, et en France.

Résolution du problème : stopper cette mondialisation diabolique n'est pas envisageable. Pour deux raisons : c'est d'abord impossible car sans elle qui prendrait le rôle de bouc émissaire ? Et c'est ensuite peu raisonnable car comment ferions-nous alors pour profiter des vraies fausses chemises Armani à prix infimes ? Non la solution, la bonne, la réfléchie, la voilà : juguler la mondialisation EN AFRIQUE seulement ! Tout le monde est d'accord : c'est ce continent qui souffre le plus de la mondialisation. Alors une Afrique autarcique requinquerait le monde économique. Le calcul est fort simple : le continent africain étant rayé de la mondialisation, les statistiques de pauvreté aussi ! On verra donc mécaniquement la misère - en chiffre, mais n'est-ce pas tout ce qui compte ? - baissée fortement. Et puis à l'avenir, si un autre continent ou pays pose problème aux statistiques du taux d'indigence mondial, même traitement. La mondialisation entre riches, ça règle tout problème. Au risque de se retrouver en petit comité opulent, mais avec d'excellentes statistiques de pauvreté. Mission accomplie.

Problème : Tous les footballeurs sont des imbéciles notoires.

Résolution du problème : Encore une fois, ne cédons pas à la facilité. Incorporer des tests intellectuels aux tests footballistiques n’est pas envisageable. Le football doit rester un jeu. Or un jeu, ça doit être stupide, sinon ça n’amuse pas. A tout le moins, pas la grande majorité. Et puis dans ce cas, les "meilleures" équipes seront celles qui réuniront le plus d’éclairés. Insensé ! Si la réflexion nous anime, à chaque problème, (ici certes anodin mais bien inconfortable : faut-il que la France, et les autres équipes nationales, soient représentées par la crème de la stupidité nationale ?) le remède est simple. Platini (lui-même) affirmait que le hors-jeu était la règle qui faisait du foot un jeu intelligent. Des imbéciles notoires au sein d’un jeu intelligent donc ? On comprend la gêne dans les esprits. Puisqu’on ne peut rendre plus intelligents, non, moins arriérés, les footballeurs, supprimons ce décor qui rend leur inanité intellectuelle criante. Comment ? Supprimons le hors-jeu ! Le football deviendra alors un jeu débile, et des débiles participant à un jeu débile, c’est un caméléon qui cache sa misère intellectuelle en se fondant dans la débilité ambiante. Certes, l’imbécillité sera toujours là, mais elle aura perdu son caractère notoire. Et à l’heure où chaque match est disséquer sous des centaines d’angles via autant de caméras, le visible (et l’invisible), c’est bien tout ce qui compte. Il suffisait d’y penser.

Problème : à Brest, il pleut tout le temps.

Résolution du problème : A dire vrai, le problème n’est pas tant le fait de pluie en elle-même, mais le corollaire de ce contre… temps : le moral, lui aussi, au gris… Que faire donc face à ce nouveau désagrément ? La cure de prozac ? Bonne idée mais impossible à réaliser, car la France met tout en œuvre pour éviter la mue en cour de la sécurité sociale en danger social : elle combat le déficit "abyssale" de celle-ci... Le prozac, pour ceux qui n’habitent pas Brest, c’est cher, et à n’en pas douter ; le brestois préférera son auge remplie au prozac (non remboursé)… Non, voilà une bonne piste : utiliser un des innombrables satellites qui nous surveillent depuis là-haut, là où personne ne vous entend crier, pour, via un savant jeu de miroir imaginé par nos pointures nationales, rediriger la lumière et chaleur solaires vers la région grise... Mais pour que cela soit réalisable, il faudrait modifier la révolution de la Terre. Ce avec un mécanisme spatial ultra puissant qui pourrait bloquer ladite révolution pendant que le satellite et le soleil sont en adéquation pour projeter la lumière sur Brest... Comment n’importe quoi ?

Oui, tout ceci est du n'importe quoi. Du délire. De la stupidité... réfléchie. De la bêtise pure pour répondre à la bêtise collective. Celle qui rampe, doucement mais sûrement. Celle qui s'installe dans les esprits. Celle qui prend racine dans les méandres du cerveau. Celle qui s'impose. Celle qui peut parfois égaler des certitudes comme 2 et 2 font 4. Celle qui est donc éminemment dangereuse pour ceux de qui elle émane... Les hommes.

Si la célèbre maxime, attribuée sûrement fallacieusement à Einstein ; "seules deux choses n'ont pas de limites : l'univers et la connerie. Mais pour l'univers, ce n'est pas sûr." établit formidablement bien le diagnostic des préjugés, elle n'en donne pas le remède. Heureusement, pas besoin d'être un génie pour le mettre à jour. Le remède, pour gagner la bataille de tous les jours contre les préjugés, est simple, à la portée de tous, pacifique, écologique même : penser.


A la mémoire d'Ilan Halimi, juif Français, enlevé et torturé pendant 24 jours, pour être enfin assassiné, parce que, dans la tête des ravisseurs, "un juif, c’est riche". Mais aussi, et également, à la mémoire des innombrables victimes de ces petits préjugés qui font de grands dégâts.

mercredi, décembre 20, 2006

Sir, no sir !

Le rapport Baker Hamilton est un pavé, non, une véritable comète jetée dans la mare de Bush junior. Que va-t-il se passer dans la tête du président de la première puissance militaire mondiale ? L'ONU est née de l'après horreur, après 1945. Que va-t-il naître de l'après Irak ? Tirera-t-on les leçons en se fédérant pour un effort salutaire en vue de la paix mondiale ?

La question était solennelle, inévitable, cruelle. "Pensez-vous que nous sommes en train de gagner la guerre en Irak ?". La réponse, enfin véridique, tomba comme une sentence : "No sir".

La scène se déroule pendant l'audition de membres de la commission Baker Hamilton, interrogés par des parlementaires américains. Lesdits membres ont récemment rendu public un rapport qui, s'il n'est pas sûr d'être suivi, fera sans aucun doute date. Le contenu est en effet diamétralement opposé à la stratégie Bush. Retour progressif et rapide (dès 2008) des boys, offensive diplomatique via un dialogue avec la Syrie et l'Iran, intégration des sunnites, minoritaires en Irak, au gouvernement Irakien (composé de Kurdes et de chiites).

Que ces recommandations soient concrétisées ou non, il y aura un après-Irak. L'inconnu est quand. Que sortira-t-il de cette guerre ? La guerre en elle-même, on le sait depuis longtemps, est un désastre. Un désastre tous azimuts. Destruction de nombre d'infrastructures vitales du pays (alimentation en eau notamment), guerre civile engagée, attentats quotidiens, forces de sécurité (police et armée) infiltrées par des groupes religieux radicaux, haine viscérale (mais logique) des Américains et des Etats-Unis.

Cette dernière conséquence de la guerre est sans conteste la plus grave. Les maisons, les tuyauteries, les routes se réparent avec des dollars et quelques mois. La haine, elle, ne faiblit pas avec des dollars et surtout pas en quelques mois. Les mentalités sont ce qui évoluent le plus lentement. Cette haine risque fort de se transmettre de génération en génération, renforçant ainsi son caractère viscéral. Il n'y a donc que le temps pour soigner cette fracture provoquée entre musulmans, dont beaucoup sont rassemblés autour de leur aversion des Etats-Unis, et Américains en particulier, occidentaux en général.

"Nous pouvons agir positivement sur le futur, en agissant sur les faits : éviter ce désastre une nouvelle fois. Comment ? En réformant l'ONU"

Mais si nous ne pouvons accélérer le temps pour panser au plus vite cette plaie béante, si nous ne pouvons modifier les mentalités, nous pouvons agir sur les faits. Koffi Annan avait qualifié, en 2003, cette guerre d' "illégale". A raison. Elle était en effet refusée par la majorité des Etats membres de l'ONU. Si la guerre d'Irak, deuxième du nom après celle de 1991, est un désastre qu'il faut gérer au mieux, c'est-à-dire éviter qu'il y ait pire au pire présent, nous pouvons agir positivement sur le futur : éviter cela une nouvelle fois. En agissant sur les faits : avec par exemple une réforme profonde de l'ONU dans son ensemble (conseil de sécurité compris, et même avant tout), laquelle empêcherait une nouvelle catastrophe.

"Plus jamais ça". La promesse formulée après 1914-18 était pourtant sincère. Mais la SDN (société des Nations) fut trop fragile pour résister, notamment, aux volontés impérialistes allemande. L'ONU, SDN bis, montre par les faits qu'elle est plus forte, plus résistante, plus efficace. Nombre de conflits ont essaimé après 1945, mais pas de guerre mondiale.

On peut arguer qu'une guerre mondiale n'est plus possible en raison de l'imbrication toujours croissante des économies, devenant ainsi interdépendantes, et en raison de la dissuasion nucléaire, notamment. Certes. Mais si les conflits post-1945 ont eu et ont le bon goût de n'être pas mondiaux, ils font surtout, et c'est un corollaire, éminemment moins de morts.

ONU ou pas, un meilleur futur, un futur de paix, passe par un renforcement du multilatéralisme, c'est-à-dire un accroissement de la fédération des Etats, autant que faire se peut, autour de principes, de valeurs, de conventions, de règles, voire d'axiomes... Lesquels se font jour après les erreurs, tels la seconde guerre d'Irak.

Le monde ne va peut-être pas si mal. Si chaque erreur, même si ce principe est cruel puisque lesdites erreurs se traduisent par des milliers de morts, est analysée, le monde ne peut qu'aller vers le progrès. Mais pour tendre vers cela, il est nécessaire d'établir un dialogue mondial continu, un multilatéralisme affirmé et respecté, des réformes, aujourd'hui de l'ONU, demain de la nouvelle plateforme du dialogue mondial. Si nous voulons une paix pérenne, peut-on prendre un autre chemin ? A n'en pas douter, "No sir."